Des « règles d’or » aux « astuces malignes », en passant par les « 10 meilleurs tips » dans les manuels de management ou sur internet, on n’arrête plus les conseils pour rendre votre équipe performante et heureuse au point de pouvoir gravir le Kilimandjaro en courant, tout en récitant à l’envers les fables de La Fontaine.
Mais quelle est la bonne manière de faire du management ? La recette miracle, le guide universel ? Faut-il suivre les préceptes de fermeté d’un Noël Goutard, Ex-PDG de Valeo, qui a su propulser l’entreprise aux premiers rangs mondiaux de l’automobile dans les années 1980 ? Ou au contraire, faire preuve de tempérance et manier son service avec sensibilité ?
D’une certaine manière, cette question est le théâtre d’affrontements idéologiques : est-ce que le manager doit cultiver la performance ou le bien-être ? Favoriser les initiatives individuelles ou l’esprit d’équipe ? Doit-il orchestrer ou participer ? Accompagner ou responsabiliser ? Être autoritaire ou utiliser du « soft-power » ? Tout ça en même temps ? Ces points renvoient à la conception même du travail, à sa philosophie, à l’approche professionnelle de chacun ou de l’entreprise – et sont donc vecteurs de discorde.
Bien difficile de déterminer quel est le meilleur management, tant cette « discipline » peut être conditionnée par l’équipe, l’entreprise, l’environnement, etc. Dans l’émission de « Quel sera le plus beau management », il est probable que les sièges se retournent avant tout selon les croyances et la subjectivité des jurys.
Cependant, ce constat ne doit pas en cacher un autre : le système de management actuel est en pleine crise d’asthme et ne peut plus chanter ses prouesses passées. Comme le monde du travail en général, il est bousculé par l’innovation, le temps, et sa génération de Millenials portée sur le sens. Sans écrire ici le « Guide Complet Et Pratique du Vrai Management Qui Est Le Mieux », nous allons donc nous intéresser à des études récentes qui ont donné le micro aux salariés ou aux managers.
Par exemple, selon l’étude du Réseau Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), « 92 % des tops managers estiment que le management doit évoluer ». En cause ? Le manque de Qualité de Vie au Travail. En effet, « la quasi-totalité (85 % des top managers et 94 % des futurs managers) estime que cela passe par une meilleure prise en compte de la QVT. Diriger les autres sans considérer l’espace de travail comme un espace de vie ni respecter ses occupants est donc l’un des freins du système actuel.
Ce n’est pas le seul élément qui participe à la remise en cause du management. Du côté de Madame Figaro et de l’enquête de BVA, réalisée auprès de cadres de 18 à 39 ans, on parle des postes décisionnaires et de leur image : « le leadership doit faire peau neuve », « 72 % des femmes interrogées sont animées par l’ambition [mais elles sont seulement] 31 % à avoir envie d’occuper la place de leurs dirigeants actuels, au regard de leur quotidien ».
Pourquoi vouloir la position de son supérieur, sans son quotidien ? La bouteille sans l’eau ? C’est assez surprenant (sauf si vous êtes collectionneur de bouteilles, évidemment).
C'est cependant logique si le liquide est empoisonné : les femmes interrogées mettent en avant un refus d’être « avalées », « dévorées par la tâche », « pointent le risque d’épuisement ».
En effet, le poste de manager est vu comme un poste pesant, ingrat : « 44 % d’entre eux (le score grimpe à 50 % chez les hommes) jugent que le rapport entre investissements demandés et sacrifices n’est pas satisfaisant dans le modèle actuel ». Un poste qui ne permet pas l’accomplissement des objectifs d’épanouissement de chacun : c’est en effet « la conduite d’un projet qui a du sens pour faire évoluer la société » qui motiverait les salariés à devenir manager.
Au-delà du management, c’est donc le poste de manager, et l’entreprise elle-même qui sont challengés : les modes de travail « agiles » et transversaux de certaines Start-ups, par exemple, ont montré l’existence d’une autre façon de travailler. Ces modes sont parfois difficilement applicables au format actuel des grandes entreprises : ils n’aiment pas les structures figées, la bureaucratie, et la trop grande "verticalisation" de la responsabilité. Ils sont plus en accord avec les velléités des salariés interrogés : 89 % des femmes et 84 % des hommes déclarent qu’ils aimeraient « être maîtres de leurs horaires » ; 74 % des femmes et 72 % des hommes souhaitent « pouvoir travailler chez soi aussi souvent que nécessaire ».
Finalement, si le poste de manager s’inscrit tant en décalage avec le travail moderne, c’est peut-être parce qu’on n’attend plus la même chose de lui. Le manager s’évertue depuis plus de 30 ans, tout en croulant sous la charge de travail, à trouver la « one best way » Taylorienne, c’est à dire un processus de travail efficace, qui réduit les coûts, et puisse s’appliquer à tous mais qui ignore parfois la réalité et l’imprévisibilité du travail. Les nouvelles générations, elles (et même les anciennes), souhaitent pouvoir être créatives et autonomes.
En ce sens, on entend de plus en plus parler du « leader » en lieu et place du manager. Mais pas n’importe lequel : celui qui est « exemplaire » (pour 72 % des femmes et 68 % des hommes interrogés), « à l’écoute » (82 % des femmes et 74 % des hommes), qui respecte ses collègues.
Un manager ouvert à la pratique du télétravail, qui permet à chacun d’apprendre et de donner le meilleur de soi-même – qui ne cherche pas à vous noyer dans la surcharge de travail et à vous couler sous la pression de l’autorité. Un leader qui s’adapte à chaque situation, qui favorise le vivre ensemble et cultive une approche humaine dans ses rapports aux autres. Mais il faut pouvoir donner les moyens à ces femmes et ces hommes d’être les super-héros du quotidien professionnel. Par exemple, avec des outils agiles qui donnent de la visibilité à tous les salariés, qui permettent à chaque collaborateur de faire des retours positifs et de s’approprier, faire vivre la culture d’entreprise - jamais entendu parler de Kiff ?
Repenser le poste de management, c’est donc repenser le leadership ; et, par relation de cause à effet, repenser l’organigramme de l’entreprise. Ceci peut expliquer la réticence de certaines organisations à pousser la réflexion aussi loin : le changement est de taille. Mettre en place ces managements agiles semble en effet demander une conception assez horizontale de l’autorité. Une autorité qui « cherche à augmenter autrui », essentiellement « fondée sur la compétence », pour reprendre les mots de Michel Serres.
De plus, la question de l’exemplarité appelle les directeurs et les responsables à accompagner les transformations, à y prendre part. D’ailleurs, la « population jeune n’entend pas laisser les décideurs dans leur bulle, elle veut sortir ces fonctions de direction de l’isolement et de la verticalité », selon le directeur du département Opinion de BVA.
Enfin, questionner le management peut favoriser la diversité. S’il devient la promotion du leadership éclairé et apaisé, ou même un poste à meilleure réputation, nul doute que de plus en plus de profils différents seront tentés d’exercer ce genre missions. Cette diversité peut décloisonner l’entreprise, apporter une richesse supplémentaire, plus de considération, plus de reconnaissance… plus d’humanité au travail. C’est peut-être ça, d’ailleurs, le réel enjeu de cette contestation du management : favoriser les rapports humains. À défaut de proposer un modèle magique de management carré, bien défini, nous pouvons donc rappeler que le travail est l’un (sinon le) des premiers espaces de socialisation. Un lieu d’interaction dans lequel on souhaite s’épanouir, se réaliser dans la mesure du possible, donner le meilleur de soi, dans des missions qui font sens.
Victor de Cocoworker
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